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ASA PNE

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Association pour le Suivi de l’Aménagement Paris Nord – Est


Les effets de la densité urbaine sur le climat et la pollution

Publié par ASA PNE sur 11 Mai 2018, 14:41pm

Catégories : #Actualités, #Paris Nord Est

Dans la continuité des précédentes rubriques consacrées aux problématiques de la densité urbaine à Paris et dans le nord-est parisien en particulier (voir liens en fin de page), il nous semble intéressant de diffuser la tribune de l'architecte/urbaniste Albert Lévy que nous partageons, publiée mi-avril dans "le Monde des idées" :  

Alors qu’Anne Hidalgo veut faire de la lutte contre la pollution sa priorité, la municipalité multiplie les projets qui accroissent la densité de la population et donc les émissions de CO2 note, dans une tribune au « Monde », l’urbaniste Albert Lévy

Climat et pollution : « Paris se pense trop souvent comme une île isolée dans la région »

Tribune. Le tribunal administratif de Paris a annulé mercredi 21 février l’arrêté municipal de fermeture à la circulation des voies sur berges rive droite. Cette décision remet en question une des mesures majeures de la Mairie de Paris de lutte contre la place de l’automobile dans la capitale et la pollution de l’air qu’elle engendre. Le combat contre l’automobile est prioritaire pour Anne Hidalgo et sa politique en faveur de la santé publique et du climat.

MALGRÉ DES OBJECTIFS CLIMATIQUES FORT LOUABLES ET VERTUEUX, LA
VILLE DE PARIS POURSUIT CEPENDANT UNE POLITIQUE CONTRADICTOIRE DE DENSIFICATION DE LA CAPITALE

Le nouveau Plan climat parisien (2017/2022), très ambitieux, comprend, en effet, l’élimination des véhicules à essence pour 2030, à diesel dès 2020, la rénovation thermique d’un million de logements, 100 % d’énergie renouvelable (énergie solaire et géothermique) par création d’un fonds vert…, pour parvenir en 2050 à une ville zéro carbone. Hidalgo a réagi à cette décision du tribunal administratif par un nouvel arrêté, mais en recourant, cette fois, à des arguments esthétiques, patrimoniaux et touristiques, de sauvegarde du site classé par l’Unesco, menacé par la circulation. On y perd son latin.
Malgré ces objectifs climatiques fort louables et vertueux, la Ville de Paris poursuit cependant une politique contradictoire de densification de la capitale en construisant sur toutes les parcelles disponibles, toutes les friches industrielles et ferroviaires libérées, soulevant contestations et recours juridiques de la part d’habitants, d’associations, d’élus, écolos ou pas… qui réclament plus d’espaces verts et moins de béton dans Paris : multiplication des ZAC (une quinzaine actuellement en chantier), lancement de nouveaux projets (« Réinventer Paris » avec vingt trois parcelles vendues), surélévation possible des immeubles bas (8,2 % des immeubles de la capitale), construction de tours surtout dans la zone entre Maréchaux et périphérique (tour du tribunal de Paris, tours duo dans le 13e arrondissement, tours Bercy Charenton, sans oublier la tour Triangle – « une oeuvre d’art », selon Hidalgo – à la porte de Versailles qui continue à faire polémique). Dernière proposition municipale : des nouveaux ponts habités sur la Seine avec commerces et cafés à terrasses, sur le modèle des ponts habités du vieux Paris médiéval et de Venise (sic), provoquant également critiques et pétitions.

Intensification de la construction
Le dérèglement climatique, on le sait, a pour origine surtout le CO2, principal gaz à effet de serre (GES), et les villes, qui sont grandes consommatrices d’énergies fossiles, sont les principales productrices de ces GES (75 %). Avec cette intensification de la construction et la multiplication des projets dans Paris, ville déjà très dense (cinquième ville dans le monde), Hidalgo oublie deux choses.

PLUS D’HABITATIONS ET PLUS DE BUREAUX DANS PARIS C’EST, INÉLUCTABLEMENT, PLUS DE TRANSPORT ET CONSÉCUTIVEMENT PLUS DE CO2

Tout d’abord, les bâtiments (résidentiel et tertiaire) consomment aussi de l’énergie pour leur chauffage et produisent du CO2 qui représente, pour Paris, plus de 50 % du total de ses émissions (19 % au niveau national).
Certes, l’efficacité énergétique de ces nouveaux bâtiments sera meilleure, mais leur multiplication risque d’annuler l’économie attendue. Ensuite, plus d’habitations et plus de bureaux dans Paris, c’est, inéluctablement, plus de transport (loi urbanistique), donc plus de voitures individuelles et consécutivement plus de CO2, car l’offre de transport public en Ile de France et dans la capitale est saturée.
La ville dense, compacte, est un idéal du point de vue de la durabilité, à condition de ne pas fonctionner sur les énergies fossiles, ce qui est le cas aujourd’hui et demain encore malheureusement : globalement, la France est en retard sur ses objectifs de transition énergétique, les 23 % d’énergie verte prévus pour 2020 ne seront pas atteints.

On ne doit pas oublier, en outre, que la France ne produit que 1 % des émissions mondiales de CO2 (Chine 30 %, USA 15 %, Inde 6,6 %, UE (à 15) 7,6 %, UE (à 28) 9,6 %…), et que, en dépit des efforts nécessaires d’atténuation qu’elle doit, comme tout pays, continuer de mener, elle subit et subira inévitablement les effets du dérèglement climatiques à l’échelle planétaire, dus aux émissions de CO2 des grands pays industriels pollueurs (les Etats Unis, on le sait, se sont retirés des accords de la COP21). Ces émissions poursuivent inexorablement leur hausse, malgré la volonté des Etats de les baisser pour aller vers une société décarbonée.
 

Un changement climatique global inéluctable
Le 30 octobre 2017, l’Organisation des Nations unies (ONU) s’alarmait de ce hiatus : le taux de concentration de CO2 dans l’atmosphère n’a jamais été aussi haut depuis trois millions d’années, et nous nous dirigeons vers le dépassement dramatique du seuil de 2 °C pour la fin du siècle. La question climatique est planétaire et ne peut avoir qu’une réponse planétaire : la France doit donc continuer d’être un des meneurs de cette lutte planétaire pour le climat, comme elle l’a montré (COP21, One Planet Summit, réseau des villes C40, réseau des cent villes résilientes…).

IL FAUDRA LIMITER LES EFFETS DES ÎLOTS DE CHALEUR URBAINS (ICU) QUI
AMPLIFIENT LA TEMPÉRATURE ET LEURS CONSÉQUENCES SANITAIRES

En attendant, face à ce changement climatique global inéluctable, les villes doivent se «protéger » par des politiques locales d’adaptation, notamment contre les vagues de chaleur et les canicules à venir, qui seront de plus en plus fréquentes, selon toutes les prévisions des services météorologiques du monde.
Il faudra donc limiter les effets des îlots de chaleur urbains (ICU) qui amplifient la température et leurs conséquences sanitaires, et pour cela, prendre en considération le contexte urbanistique de chaque ville, sa situation géographique, topographique, sa forme, son tissu, ses activités, car certaines villes, et Paris en particulier, sont plus vulnérables que d’autres aux canicules : forte densité d’habitants au kilomètre carré, forte minéralité et compacité du tissu, faible ratio d’espace vert/habitant, densité d’emplois élevée (les activités produisent une chaleur anthropique de l’ordre de 20 % de l’ICU)…


« Pas dans mon arrière cour »
Lutter contre les ICU par un plan canicule qui se limite à l’aide aux personnes fragiles et à des mesures spatiales comme les « îlots de fraîcheur » (cour d’école sans bitume…) est insuffisant : c’est la structure même de l’espace urbain qui doit être reconsidérée et notamment le rapport minéral/végétal, ainsi que les questions de densité (habitat, emplois), en appréhendant les problèmes (logement, transport, économie) à une échelle métropolitaine, en évitant l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, favoriser une mobilité douce et durable….

L’OMS A CONFIRMÉ L’EFFET CANCÉRIGÈNE DES PARTICULES FINES (PM) ET DU DIOXYDE D’AZOTE (NO2)

Face au réchauffement climatique, il faut une réflexion urbanistique globale d’adaptation de la ville, pour assurer un futur vivable à ses habitants. Paris adopte trop souvent une attitude Nimby (« Not in my backyard » [« Pas dans mon arrièrecour »]) en se pensant comme une île isolée dans la région .
Il en va de même pour la lutte contre la pollution de l’air (48 000 morts par an), dont les causes principales sont surtout les véhicules à moteur thermique et les usines d’incinération de déchets. L’OMS a confirmé l’effet cancérigène des particules fines (PM) et du dioxyde d’azote (NO2), et de nombreuses études ont démontré que c’est l’exposition croissante et permanente des populations urbaines à ces produits chimiques toxiques qui est aussi à l’origine de l’explosion des cancers et des pathologies chroniques cardiaques, pulmonaires, neurologiques, que nous connaissons.

Là encore, la solution ne peut être locale, mais régionale et métropolitaine (Grand Paris). Fermer les voies sur berges ne fait que déplacer le trafic et la pollution, qui ne connaît pas de frontières : ce sont le boulevard Saint Germain et les voies de l’Est parisien qui sont maintenant le plus affectés (Airparif). Les habitants ne doivent plus être pris en otages par les oppositions politico politiciennes entre la Ville de Paris et la région Ile de France" - (LE MONDE | 13.04.2018 par Albert Lévy (Architecte urbaniste, chercheur associé au CNRS)

Sur le même thème, à retrouver nos deux précédentes rubriques publiées en 2017

Photo Catherine LEBLANC / Photononstop  -  (extraite de l'article du Monde en référence)

Photo Catherine LEBLANC / Photononstop - (extraite de l'article du Monde en référence)

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