Nous rendons public la contribution d’ASA PNE à l’élaboration du projet d’aménagement ''Hébert'' dans le 18e. Ce travail est le résultat de nombreux échanges avec les riverains, collectifs ou représentants associatifs du secteur que ce soit à travers de rencontres telles que : les réunions de conseil de quartier, les balades urbaines ou les ateliers participatifs…et d’observations faites sur le terrain ou de réflexions menées au sein de l’association. A l’issue de 6 ateliers participatifs organisés de février à septembre 2017, cette contribution vise à enrichir et à compléter la 1ère phase de la concertation dont la restitution publique est prévue le 5 avril en Mairie du 18e.
Elle a été transmise la semaine dernière aux maitres d'ouvrage de l'opération que sont Espaces Ferroviaires, la Mairie de Paris et du 18e.
Voici le document dans son intégralité.
Secteur Hébert : contribution d’ASA PNE aux
orientations d’aménagement et de programmation du site
.Contexte urbain
Le secteur de la gare Hébert d’une emprise de 5,2 ha est situé aux confins du 18e, le long de la rue de l’Evangile en bordure du faisceau ferroviaire de la gare de l’Est. Le site était occupé récemment par des entreprises qui ont ‘’libéré’’ le terrain au printemps 2017. Il demeure au sud de l’emprise les locaux de la Police Régionale des Transports et une base IRIS correspondant à une infrastructure de la SNCF. Ces deux dernières entités resteront sur le site jusqu’en 2021.
Depuis août 2017 et jusqu’à fin janvier 2018, le site a accueilli une installation éphémère ouverte au publique, l’Aérosol, consacrée au ‘’cultures citadines’’ (street art).
A la différence du secteur Ordener-Poissonniers (ex dépôt de la Chapelle), le site ne comprend aucun bâtiment patrimonial de nature à être préservé et réhabilité.
De l’autre côté de la rue de l’Evangile se trouve le bassin d’emploi de CAP 18, constitué de plusieurs entreprises PME/TPE, essentiellement du secteur de l’imprimerie, et le site de Chapelle Charbon qui fait l’objet, lui aussi, d’un projet d’aménagement avec notamment la création d’un parc paysager. Le site se trouve également à proximité de la ZAC Evangile dont la création remonte aux années 1980 avec une densité de 830 logements.
Enfin, dans le prolongement de l’emprise se trouve à l’est (19e arrondissement) la gare Rosa Parks (RER E / Tram T3) livrée fin 2015 pour assurer le maillage en transports en commun d’un territoire en pleine mutation urbaine dans le cadre de la stratégie d’aménagement de Paris Nord Est (ZAC Claude Bernard, entrepôts Macdonald, projet du Triangle Eole/Evangile…).
.La concertation où les conditions préalables à l’élaboration du projet urbain avec les habitants
Ces conditions concernent la nature, la qualité et le contenu de la concertation.
Nous avons apprécié l’organisation de cette 1ère phase de la concertation par le travail en ateliers participatifs qui a permis notamment de réfléchir collectivement à l’élaboration du projet d’aménagement.
Les relations avec les représentants d’Espaces Ferroviaires, de la Mairie du 18e et de l’équipe de maîtrise d’œuvre (urbanistes, architectes, paysagistes…) se sont déroulées dans un climat de confiance réciproque et ont permis un travail fécond par la production de plusieurs scénarii d’aménagement du projet.
Ce travail a abouti à un consensus global sur le parti d’aménagement du site sans pour autant que nous partagions tous les choix programmatiques de la maîtrise d’ouvrage.
Nous y reviendrons.
Pour la seconde phase de la concertation qui accompagne le plan-guide du projet en vue du dépôt du permis d’aménager et de l’enquête publique qui suivra, il y a lieu de répondre aux items suivants :
● Les études d’impact et de diagnostic, notamment celles relatives aux conséquences économiques et sociales que le projet Hébert aura sur son environnement doivent être menées et portées à la connaissance des acteurs de la concertation. Elles doivent être complétées par une étude plus large intégrant les projets de la gare des Mines, Chapelle Charbon, Eole-Evangile afin de mieux appréhender les enjeux urbains du territoire dans sa globalité.
● La seconde phase de la concertation doit se dérouler dans une démarche de co-élaboration et de co-construction du projet, selon des modalités à définir d’un commun accord.
● Des représentants de collectifs et d’associations d’habitants participeront au processus de sélection des équipes d’architectes/paysagistes soumis à concours, avec voix délibérative (commission technique et jury).
.Commentaires et propositions sur les orientations d’aménagement et programmation
Le projet doit répondre à plusieurs enjeux :
►DESENCLAVER et donc RELIER par la réalisation de circulations douces et de continuités urbaines & paysagères avec les quartiers limitrophes.
►AMENAGER le nouveau quartier tout en préservant les perspectives et vues paysagères.
►OFFRIR des aires de respiration et de détente par des espaces publics généreux et judicieusement répartis.
►REALISER des logements de haute qualité architecturale en nombre raisonnable avec une répartition équilibrée permettant d’assurer une mixité sociale et générationnelle.
►REQUALIFIER un secteur délaissé par la création d’activités, de services et d’équipements valorisants.
Le site de la gare Hébert n’a pas ‘’d’histoire’’ emblématique par l’absence ou la disparition d’un patrimoine bâti. Bien que le site ait été associé à l’histoire du chemin de fer, il ne reste guère de traces visibles de son passé ferroviaire comme à Pajol avec sa halle monumentale ou à Ordener-Poissonniers avec son atelier de levage ou sa remise vapeur. Pour exister demain dans un environnement en pleine mutation, le site doit se trouver une identité en exploitant ce qui s’avère un atout d’innover ‘’par la rupture’’. Elle peut s’exprimer au travers d’activités et services en phase avec les nouveaux modes de travail et de cohabitation. Ainsi, les habitants et plus largement les usagers parisiens ou d’ailleurs trouveront un intérêt à habiter ou à venir à Hébert.
1-Espaces publics et espaces de respiration
Par rapport aux propositions de départ, les espaces publics ont évolué et s’articulent autour d’une surface d’espace vert, dite « le square » qui s’est allongé tout en conservant les mêmes dimensions (4 000 m²). La nouvelle trame correspond mieux à nos attentes même si nous aurions souhaité que le square soit plus grand au regard d’une surface bâtie très importante.
L’idée née de la concertation d’une traverse végétalisée permet ‘’d’étirer le square vers le futur « parc » de Chapelle Charbon avec une continuité plantée’’ qui va dans le bon sens. Les autres espaces publics tels que la rue du quartier et la voie de desserte sont organisés de telle sorte qu’ils permettent de bien relier le site à son environnement tout en favorisant les circulations douces, limitant ainsi l’impact des véhicules. Quant à la promenade le long des voies ferrées, elle constitue un large corridor arboré (14m) susceptible de s’étendre à l’ouest vers Pajol.
L’enjeu principal de l’organisation des espaces publics est de favoriser les liaisons à l’intérieur du site tout en assurant une continuité paysagère avec Chapelle Charbon.
Au chapitre consacré aux formes urbaines et aux façons d’habiter que nous développons un peu plus loin, nous proposons d’appliquer l’organisation végétalisée en ‘’frontage’’.
2-Mobilités et déplacements
Si nous sommes globalement d’accord avec les principes retenus en matière de « Mobilités & déplacements » comme la requalification de la rue de l’Evangile et l’organisation des circulations à l’intérieur du site (privilégier les circulations douces, limiter l’impact de la circulation automobile en dehors des futurs habitants et livraisons…), nous attirons l’attention sur l’offre en transports en commun. Si à l’est du site, la gare Rosa Parks répond en partie à la demande, il n’en est pas de même à l’ouest où la ligne 12 du métro risque d’être saturée avec l’apport de nouveaux habitants et usagers, induit par les projets immobiliers en cours et à venir de Chapelle International (900 logements & activités), Condorcet (15 000 étudiants sur Paris la Chapelle et Aubervilliers), Chapelle Charbon (450 logements & usagers du parc) et bien sûr Hébert (700 logements & activités). Nous nous étonnons que des discussions n’aient pas été entamées en amont avec la RATP (grande absente de la concertation !) pour qu’elle adapte son matériel roulant et la fréquence de ses rames de métro au futur paysage urbain allant de Marx-Dormoy à Aubervilliers Front Populaire. Nous demandons que la RATP soit associée aux prochains ateliers consacrés à cette thématique des « Mobilités et déplacements ».
3-Hauteurs, formes urbaines et façons d’habiter
Nous avons bien noté que les hauteurs d’immeubles ne dépasseront pas les 37m (R+11) et se répartiront tels que définis par le dernier atelier du 27 septembre 2017 (page 7 du compte rendu). Un soin particulier sera apporté aux positionnements des immeubles et orientations des logements de manière à maximiser l’ensoleillement, permettre des vues dégagées et réduire l’impact des nuisances sonores (chemin de fer, rue de l’Evangile…). Dans le cadre des jurys de concours qui seront organisés par lots, nous serons très attentifs à la qualité architecturale et esthétique des bâtiments qu’elle qu’en soit la destination. Pour prévenir les îlots de chaleur dans un quartier dense, nous préconisons de favoriser autant que possible l’organisation de l’habitat selon le concept du « Frontage » (document en annexe).
4-Densité de logements et mixité sociale
Au terme de la 1ère phase de concertation, nous notons la diminution de l’ordre de 13 000 m² du nombre total de m² bâtis avec une réduction de 6 000 m² de logements ce qui va dans le sens souhaité d’une moins forte densification. Ainsi le programme de logements est estimé à 50 000 m², ce qui devrait correspondre à environ 700 logements dont 60% sociaux, 10% intermédiaires et 30% libres. Nous estimons que cette répartition ne va pas favoriser la mixité sociale dans un secteur déjà bien pourvu en logements sociaux. Dans le secteur allant de la porte de la Chapelle à la porte d’Aubervilliers et en remontant jusqu’à la ZAC Evangile, nous avons des taux de logement social de plus de 80% avec, depuis quelques années, des problématiques lourdes de développement de la délinquance et de l’insécurité, non résolues à ce jour !
Dans le souci de rééquilibrer la sociologie du quartier et respecter l’un des attendus du projet qui est ‘’de favoriser la mixité sociale’’, nous demandons que :
- le pourcentage de logement social ne soit pas supérieur à 50%, comme sur les autres opérations du secteur, avec une priorité en direction du logement étudiant (Campus Condorcet), jeunes travailleurs, structure EPHAD et logements familiaux PLS.
- le pourcentage de logements locatifs intermédiaires passe de 10% à 20% afin de permettre le retour des classes moyennes.
Pour des raisons liées à la pression immobilière, les classes moyennes ont déserté Paris et le 18e n’a pas échappé à cette tendance. La multiplication des projets immobiliers avec une densité non maitrisée entraînant une perte de qualité de vie risque d’intensifier le départ des propriétaires résidents de cette classe de population. La politique de logement, notamment dans cette partie du 18e, doit favoriser le maintien et le développement de la classe moyenne.
5-Création d’un lieu de destination par une offre qualifiante d’activités, de commerces, de services et d’équipements
Dans la dernière mouture du projet, les surfaces bâties dédiées aux activités économiques (bureaux, petite industrie, artisanat, logistique…) et aux commerces sont de 49 000 m² (au lieu de 56 000 m² dans le projet d’origine).
►La programmation liée à l’activité économique aura une importance stratégique dans l’aménagement du site. Une raison pour laquelle nous demandons que soit étudiée l’implantation d’activités économiques à haute valeur ajoutée contribuant ainsi à donner une « identité » à ce nouveau quartier Hébert.
Quelques pistes et concepts d’activités à explorer : hôtel industriel pour TPE/PME, cité de l’artisanat et ou de la gastronomie, pôle des métiers d’art, économie circulaire, fondation d’entreprises…
Dans ce cadre, il serait intéressant de rechercher des activités en lien ou en prolongement de celles qui sont prévues à la porte d’Aubervilliers d’ici 2020 comme les ‘’maisons des métiers d’art’’ de la marque Chanel, permettant ainsi de créer sur le territoire ‘’un arc des artisans d’art et de la création’’.
Il semble important aussi d’étudier dans quelle mesure le transfert de quelques TPE/PME du site de CAP 18 puisse s’opérer sur Hébert.
Enfin en matière de services, nous proposons de favoriser l’émergence de nouvelles offres de proximité tels que les nouveaux concepts de conciergerie comme ‘’Lulu dans ma rue’’.
En conclusion pour sa vitalité et son rayonnement, le projet Hébert doit être un lieu de destination, intégrant la notion de mixité d’usages en proposant des activités qualifiantes permettant d’animer et de rendre l’îlot dynamique et attractif. Sur le plan de l’animation ‘’de la rue’’ et donc du quartier, un travail très fin doit être engagé sur les pieds d’immeubles en proposant des activités associant commerces, services, petites entreprises assorties de règles particulières d’occupation réversible des locaux à rez-de-chaussée. Nous avons trop d’exemples de rez-de-chaussée vides même sur de nouvelles constructions qui font que le projet d’occupation a été mal pensé à son origine (absence d’études de marché, d’accompagnement…).
►Sur le plan des équipements et des services publics, le projet d’origine prévoyait un groupe scolaire de 12 classes et une crèche de 66 places. Les discussions portant sur le site voisin de Chapelle Charbon ont abouti au transfert de l’école sur ce site, libérant ainsi de l’espace sur Hébert. Nous recommandons qu’un autre équipement soit proposé, à caractère médico-social (maison de santé par exemple) ou à caractère socio-culturel car la dimension artistique est pour le moment inexistante sur le site. L’expérience et le succès de ‘’l’Aérosol’’ à l’automne-hiver 2017/2018 peuvent être l’occasion de pérenniser une structure parisienne dédiée aux ‘’cultures citadines’’.
Il se pose aussi la question de la relocalisation du « Five » (équipement sportif de foot à 5) , installé temporairement sur l’emprise de Chapelle Charbon, pour lequel une proposition de relogement est attendue sur le secteur.
Puis, face aux problématiques liées à l’insécurité, nous demandons que soit étudiée avec l’Etat l’implantation d’un commissariat de quartier ou pour le moins d’une antenne de police sur l’axe allant d’Hébert à la porte de la Chapelle. La venue de nouveaux habitants et la situation vécue aujourd’hui par les riverains et usagers de ce secteur justifie que cette question soit étudiée de près pour une implantation sur Hébert ou Chapelle Charbon.
Enjeux environnementaux
La dimension environnementale du projet a déjà été abordée de façon plus ou moins implicite à travers les différents chapitres précédents. Cette question a fait l’objet d’un atelier spécifique (mars 2017) où ‘’13 enjeux environnementaux’’ ont été identifiés. A ce stade, il nous semble important de revenir sur la question de la densité qui a un effet considérable sur le réchauffement climatique.
Un projet minéral et dense comme celui de la gare Hébert sera très soumis au phénomène « d’îlot de chaleur urbain » (ICU) que nous observons de plus en plus en milieu urbain avec les élévations de température. Des choix adaptés et volontaires en termes de végétalisation et de matériaux devront être pris pour limiter l’effet « ICU » que plus en plus de spécialistes et chercheurs en urbanisme mettent en avant (voir la tribune au ‘’Monde’’ de l’architecte Albert Lévy sur « Paris est vulnérable aux canicules » http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/22/paris-est-vulnerable-aux-canicules_5149515_3232.html).
D’une façon générale, nous voulons être associés à la charte environnementale et de développement durable qui devra être mise en œuvre sur toutes les questions ayant trait à la mobilité, aux énergies renouvelables, à la biodiversité, à la gestion des déchets…qui comprendra également un volet économique et social plaçant les processus de concertation au cœur de la démarche d’élaboration du projet à chacune des phases décisives.
Nous demandons des engagements fermes en matière de « chantier propre » (déconstruction/construction) pour la réduction des nuisances, la gestion des déchets en favorisant leur traitement sur site (concassage) et/ou leur évacuation par voie ferrée.
Enfin, les maitres d’ouvrage (Ville, Espaces Ferroviaires) devront veiller à l’application de clauses d’insertion dans les marchés conclus avec les différentes entreprises qui interviendront sur le site.
Synthèse
Hébert : principaux items permettant à ce nouveau morceau de ville d’avoir une ‘’identité’’ propre, où les processus de concertation doivent être au cœur de la démarche d’élaboration du projet.
► Espaces publics : favoriser les circulations douces et assurer une continuité paysagère avec Chapelle Charbon.
► Mobilités : travailler avec la RATP pour l’amélioration quantitative et qualitative de l’offre de transports en commun.
► Logement : ne pas dépasser les 50% de logements sociaux et augmenter conséquemment les logements locatifs intermédiaires de 10% à 20%.
► Activités : créer un ‘’lieu de destination’’ par des activités économiques à haute valeur ajoutée, répondant aussi aux nouveaux modes d’usages et de consommation.
► Equipements/Services publics : réfléchir à la création d’un équipement socio-culturel ou à un service public d’intérêt général.
► Environnement : le projet Hébert doit respecter les objectifs du développement durable tels qu’approuvés par la France fin 2015 dans le cadre de l’agenda 2030 : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ODD
A suivre, le fichier du texte en version PDF ainsi que le document annexe du concept "Frontage".
Secteur Hébert : contribution ASA PNE en version PDF
Secteur Hébert : document présentant le concept "Frontage"